Philippe Wattel

Jean-Luc Doumont

« J’ai eu beaucoup d’opportunités et la chance m’a bien aidé »: voilà comment Philippe Wattel résume sa carrière ! Il a exploré 1001 facettes de son métier d’ingénieur, dans des conditions et des cultures aux antipodes les unes des autres...

Tout a commencé au Brésil où Philippe Wattel et son épouse s’installent en 1976 à la sortie des études, et après des mois d’effort et de prospection dans ce but. Philippe Wattel est ingénieur en métallurgie des non-ferreux, une denrée rare au Brésil « où les universités abordables forment en masse mais ne forment pas d’ingénieur dans cette branche ». Ce sont donc ses compétences techniques spécifiques qui valent à Philippe Wattel d’être engagé par des Brésiliens...à des conditions brésiliennes ! Pas question, dans ces conditions, de multiplier les allers-retours vers la Belgique... Quoi qu’il en soit, cette opération s’avère gagnante sur tous les tableaux : « j’y ai eu des tâches et des responsabilités nettement plus importantes que celles que j’aurais eues en Belgique au même moment. Cela m’a très fort mis en confiance, cela m’a aussi donné de la crédibilité dans la suite de ma carrière. Et puis au niveau humain, tout se joue différemment : c’est une autre langue, ce sont d’autres rapports professionnels qu’en Europe ». Le pays est très ouvert, la culture latine attachante, les Wattel s’y font des « copains pour la vie ». La belle aventure a une fin, tout de même : en engineering, il y a des projets, mais il y a des creux, aussi, entre les projets. La famille Wattel - que deux enfants étaient venus agrandir pendant les années brésiliennes - dit au revoir à ses amis de là-bas et s’en retourne en Belgique, sans travail au retour mais  riches d’une très belle expérience. Ensuite, ce sont des « années plombées » qui commencent: Philippe Wattel enchaîne une mission temporaire à l’UCL et un boulot à Anvers, en production dans la société MHO, parente de l’Union minière, l’actuelle Umicore. En 1992, Philippe Wattel se retrouve à l’Union Minière dans le cuivre, à sa joie: « il s’agit de projets plus internationaux, d’analyses stratégiques au niveau mondial ».

En Bulgarie au sortir du communisme

Jean-luc Doumont

C’est là que, après quelques années, son expérience internationale lui donne assez de poids et de crédit pour que lui soit confié un projet de taille à gérer au niveau technique. En 1996,  la société acquiert une usine en Bulgarie. Celle-ci, propriété de l’état, exploitait et traitait des minerais de cuivre. L’Union minière cherchait alors à remplacer l’approvisionnement congolais et à pérenniser ainsi son alimentation en cuivre pour sa raffinerie belge. Sur place, la tâche s’annonce herculéenne : les installations ont besoin d’être modernisées, les émissions toxiques éliminées, le terrain assaini et dépollué. Le communisme a beau être tombé, les mentalités en restent imprégnées. Voilà qui rend les contacts directs avec le personnel et les cadres très difficiles. Et Philippe Wattel le rappelle, lucidité et vigilance sont de mise. Un exemple parmi d’autres : « Les rendements étaient étonnamment bas parce que... les Tziganes soudoyaient les opérateurs afin de pouvoir récupérer du cuivre sur le site de production. Quand nous nous en sommes aperçus, nous avons donné des scories aux Tziganes, dont ils pouvaient récupérer quelques blocs de cuivre. Nos rendements ont du coup augmenté ! ». Bref, l’entreprise technique se double d’une entreprise humaine : « nous avons lutté contre la corruption locale, développé un centre médical et aidé à la reconversion d’une partie du personnel  Nous partions d’une situation désespérée, à la fois pour le personnel et pour les communes environnantes qui vivaient dans des conditions insalubres et en grande insécurité. L’aspect non-technique de cette aventure a été extrêmement enrichissant ». Le revers de la médaille ? Philippe Wattel et son épouse ne se voient pas élire domicile dans la Bulgarie de l’époque avec des enfants adolescents. Leur mère reste avec eux en Belgique et Philippe fait autant d’allers-retours qu’il le peut, les weekends. La langue bulgare reste une terra incognita pour Philippe Wattel : « l’alphabet cyrillique ? l’âge ? toutes les choses que j’avais à l’époque en tête ? je ne suis jamais parvenu à vraiment bien parler bulgare, malgré des efforts en ce sens. Pourtant, jusque-là, j’avais appris les langues que les gens parlaient là où je me trouvais...».

Jean-luc Doumont




Doing business in Asia

Jean-luc Doumont

UMICORE revend sa section cuivre et une nouvelle page s’ouvre pour Philippe Wattel. En 2004, il rejoint une société française, où il reste jusqu’en 2006. Et de 2005 à 2006, il se retrouve en Malaisie pour construire un atelier de laminage de bandes de cuivre destiné à l’industrie électronique. Les tigres asiatiques rugissent: « c’est là qu’il faut pouvoir montrer que l’on connaît les lois du métier, qu’on sait bien s’entourer d’experts locaux, négocier avec un fournisseur, superviser la livraison d’une cargaison... Vraiment, il faut pouvoir se débrouiller dans tous les domaines ! ». Sur ce terrain, Philippe Wattel s’initie aux subtilités des affaires à l’asiatique: « le travail en Malaisie est un univers structuré mais où différentes mentalités s’entrecroisent. J’avais à interagir avec des patrons chinois, des chefs d’ateliers indiens ou pakistanais et des fonctionnaires musulmans, malais ! ». La société malaise est très structurée et chaque communauté occupe une place bien déterminée. À nouveau, la plongée dans une culture exotique s’est révélée passionnante et essentielle pour la suite. Mais elle se joue sur un contrat à durée déterminée,  à la mesure du projet.


Jean-luc DoumontQuand celui-ci touche à sa fin, Philippe Wattel est engagé par une société anglaise à Bruxelles, une petite entreprise qui cherche à construire une usine de recyclage de zinc en Turquie. « Là, c’est vraiment de la gestion de projets: il faut boucler permis, financement et compagnie ! ». Faute de rassembler le financement nécessaire, le projet est à deux doigts de ne jamais voir le jour. Puis, après différentes tentative, il se concrétise... en Corée du Sud: là, un partenaire commercial accepte de prendre une participation à l’investissement, ce qui met les banques plus à l’aise. Résultat, de 2010 à 2012, direction la Corée du Sud, pour Philippe Wattel. Cette fois, son épouse est aussi du voyage. « Le pays est nouveau mais, d’une façon ou d’une autre, au fil de ma carrière, j’avais touché à tous les aspects de cette mission ». Tout de même, celle-ci s’avère particulièrement stressante : la direction s’était engagée à boucler le tout en un temps record. Le chantier était ouvert 7 jours sur 7 et l’usine construite en 13 mois. « Au retour, vraiment, j’étais fatigué d’avoir tant travaillé ». Ce rythme ne jure pas avec le style de vie coréen, « très métro-boulot-dodo avec bien peu de distractions pour les Occidentaux ». La page coréenne se tourne et Philippe Wattel poursuit son tour du monde : aujourd’hui, il s’occupe de consultance en gestion de projets. Celui du moment ? Électrifier des bidonvilles en Afrique de l’Ouest, avec le sponsoring de l’industrie du cuivre. « L’Afrique de l’Ouest ? Non, je ne la connaissais pas encore du tout ! » s’enthousiasme l’inlassable Philippe Wattel.


La chance m’a bien aidé !

Jean-luc Doumont

« Je dois reconnaître que la chance m’a aidé dans ma carrière.  On dit que cela se crée, les opportunités. C’est incontestable. Mais tout de même, je suis passé par des sociétés qui avaient des projets intéressants dans leurs tiroirs et au bon moment pour moi...». Tout de même, réussir une carrière internationale exige d’avoir de la suite dans les idées et de constamment rester à l’affût !
Une vocation, l’international ? « Oui, j’avais cette envie déjà pendant mes études. J’étais parmi les pionniers de Louvain-la-Neuve, et des kots à projet sur ce nouveau territoire. Avec d’autres étudiants ingénieurs, nous nous occupions de dénicher des stages pour notre auditoire. Je m’occupais en particulier des stages à l’étranger et je m’étais réservé  un stage en Espagne... J’y avais appris l’espagnol, et mon appel pour l’étranger s’était confirmé ! J’ai eu aussi un professeur qui savait stimuler en nous l’envie d’aller tenter notre chance à l’étranger.» Philippe Wattel pointe une autre clé du succès à sa carrière internationale: « ça c’est bien passé en couple. La vie personnelle est toujours à mettre en balance avec une vie professionnelle, qui sera plus trépidante à l’étranger: on y a moins de tentations autres, sociales ou familiales par exemple. Aussi, on y est seul pour faire face à l’arrivée des containers... et de tous les problèmes qui peuvent surgir ». Enfin, autour du monde, être ingénieur donne un terrain de rencontre concret : « on part de points objectifs, de problèmes techniques. Un lien automatique se crée au premier niveau. Après, cela reste une question de personnalité : il faut s’intéresser à tout ce qui entoure le projet, aux gens, au monde, savoir écouter plutôt que parler au départ et ne pas assener sa réalité. Il faut être très prudent. On ne connaît pas tous les tenants et aboutissants. Sans ça, on ne réussit pas une expatriation ! »


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