Les Energies Renouvelables : L’ingénierie appliquée à l’éolien, au solaire, à la biomasse ... les enjeux de demain
Editorial pour 1er journal en ligne
I. Introduction
II. Les étapes du développement éolien on-shore
III. L’offshore a le vent en poupe
IV. Concentrons-nous sur l´Energie de Concentration Solaire (CSP)
V. Biomasse - Un sujet brûlant dans le domaine des énergies renouvelables
Version PDF de ces articles : Journal-IB
Les Energies Renouvelables : L’ingénierie appliquée à l’éolien, au solaire, à la biomasse … les enjeux de demain
II. Les étapes du développement éolien on-shore
par Ir. Sandrine Bosso et Ir. Hervé Macau, Tractebel Engineering
L’installation d’un parc éolien implique une réflexion stratégique poussée qui doit prendre en compte le rendement énergétique et l’incidence sur l’environnement.
Plusieurs critères sont déterminants dans le choix d’une région
Outre les contraintes légales et les subventions accordées par les Etats comme par exemple le système des certificats verts en Belgique ou celui des « feed-in tariff » (achat de l’électricité verte à un tarif fixe pour chaque type de production) appliqué notamment en Allemagne, le facteur crucial est bien évidemment le potentiel « vent » du site.
C’est en mer qu’il est le plus puissant. C’est une des raisons du développement récent des parcs éoliens offshore. En 2010, selon l’European Wind Energy Association (EWEA), quelque 308 nouvelles turbines sont venues peupler les côtes européennes pour une capacité évaluée à 883 MW.
Les régions côtières sont également très prisées avec un rendement de 20 à 30 % supérieur à celui des éoliennes de l’intérieur du pays. On recherche aussi des régions avec des effets ‘positifs’ locaux, comme le "sea/land breeze" (vents locaux engendrés par différence de température) dans la vallée du Rhône, ou présentant des différences de reliefs, comme en Wallonie, où les vents sont plus forts sur les sommets.
On pourrait être tenté de sélectionner un emplacement offrant des pics de vents forts développant une grande puissance. Or une éolienne est d’autant plus rentable que les vents sont réguliers et fréquents. Par ailleurs, certains sites à proximité de grands obstacles sont à proscrire car le vent y génère des turbulences. Les vitesses de vent sont mesurées pendant minimum une année et sont corrélées à des données long terme de stations météorologiques de référence afin d’établir des prévisions à long terme (minimum dix ans). Les mesures récoltées ont ainsi permis d’établir de véritables atlas éoliens très détaillés pour une région, voire un pays.
Le potentiel ‘vent’ n’est pas le seul critère qui influence le choix du site
Une fois le site sélectionné sur base du potentiel éolien, débute alors une étude de faisabilité qui prend en compte un ensemble de critères. Parmi ceux-ci, nous pouvons citer sans être exhaustifs :
- la nature du sol qui devra accueillir les fondations et son éventuelle contamination,
- l’accessibilité du site en prévision de l’acheminement de l’éolienne, mais également des équipements nécessaires au montage et à la maintenance ultérieure,
- la proximité et la capacité du réseau électrique,
- l’impact sur l’environnement paysager, l’habitat et les couloirs migratoires,
- les distances aux grandes infrastructures (autoroutes, voies de chemin de fer, lignes à haute tension, canaux de navigations ...),
- les distances aux installations de télécommunication,
- les zones de survol aérien militaires ou civiles.
Le raccordement des parcs au réseau représente une part importante d’un projet éolien
En effet, les gestionnaires de réseau imposent généralement le raccordement d’un parc éolien par une connexion directe à un poste de distribution. Les frais de cette connexion peuvent représenter 15 % du montant total du budget d’un parc onshore, selon l’éloignement. Par ailleurs, pour un parc de plus de 10 éoliennes, le poste et/ou le réseau doit souvent être renforcé pour supporter l'énergie totale produite.
Dans certains cas, les frais de connexion sont pris en charge, totalement comme en Allemagne ou partiellement comme en Flandre, par le gestionnaire du réseau.
A noter également qu’il est plus coûteux pour les projets offshores qui nécessitent des câbles sous-marins sur de longues distances.
Toute construction a un impact environnemental et sociétal qu’il est important de prendre en compte
Des simulations d’implantation sont réalisées et complétées par une étude détaillée de l’impact sur les habitations proches, la faune et la flore. Les riverains sont généralement soucieux de l’impact visuel et acoustique ainsi que de l’incidence sur l’écosystème, en particulier sur les oiseaux et les chiroptères. De nombreux projets de parcs n’ont pas été réalisés ces dernières années pour ces raisons.
La technologie des nouvelles générations d’éoliennes a permis de réduire considérablement les bruits mécaniques ou aérodynamiques, mais il faut être conscient que le niveau sonore peut atteindre 105 dB au niveau de la nacelle. Par ailleurs, la réglementation fixe un cadre strict et une distance minimum avec les habitations les plus proches est exigée. Les études acoustiques sont dès lors très importantes dans le développement des projets éoliens.
Quant à la problématique des oiseaux, le risque de collision est très faible si les couloirs migratoires sont évités. Le suivi des chiroptères est de plus en plus poussé et fait partie intégrante de l’étude d’incidence sur l’environnement.
Les délais de délivrance d’un permis peuvent dès lors varier de six mois à cinq ans. La concertation avec les riverains, les associations locales est garante du bon déroulement d’un projet.
La configuration d’un parc éolien : importance de l’implantation des machines
Afin de déterminer l’implantation exacte de chacune des éoliennes au sein du parc, les différents critères techniques, environnementaux et règles de bonnes pratiques quant aux inter-distances entre machines sont intégrés dans un Système d’Information Géographique qui permet d’identifier rapidement la surface disponible restante pour y implanter des éoliennes.
Cette étape permet de fixer le nombre d’éoliennes qui formeront le parc éolien. Afin d’éviter un morcellement et une dégradation du paysage, il est de bonne règle que les parcs éoliens aient une taille minimum de trois éoliennes et viennent renforcer les lignes du paysage existant (implantation parallèle le long d’une voie de chemin de fer ou le long des autoroutes, par exemple).
Carte GIS (Geographical Information System) © Tractebel Engineering
Tous ces critères ont été analysés par les autorités compétentes. Ainsi par exemple, le Cadre de référence pour l’implantation d’éoliennes en Région wallonne, approuvé par le Gouvernement Wallon le 18 juillet 2002, reprend plusieurs orientations pour l’implantation des éoliennes et visent à imposer un cadre légal qui fait foi pour les demandes de permis unique pour l’implantation d’un parc éolien.
Le critère de production d’un parc éolien
Après consolidation de l’implantation du parc éolien, le rendement énergétique doit être évalué afin de déterminer la rentabilité économique du projet.
L’évaluation de la production des éoliennes nécessite la connaissance :
- du climat de vent (vitesses de vent en fonction des directions) ;
- des données topographiques : relief et rugosité des terrains aux alentours (image du type d’occupation des sols).
Les données de vent sont :
- soit issues des atlas éoliens établis sur base de données de vent long terme achetées à des instituts météorologiques qui les ont rassemblées ;
- soit collectées lors de campagnes de mesures de vent qui durent minimum un an, afin de capter au mieux les variations saisonnières du climat de vent sur le futur site d’implantation du parc. Ces données seront de toute manière corrélées à des données de vent long terme afin d’apprécier au mieux le climat de vent sur le long terme.
Rose des vents et distribution de Weibull © Tractebel Engineering
Une fois le climat de vent déterminé, il est aisé de calculer la production brute du parc éolien en utilisant la courbe de puissance d’une éolienne.
Courbe de puissance et distribution des vents © Tractebel Engineering
Afin de déterminer la production nette, les pertes doivent être prises en compte.
Celles-ci sont de plusieurs catégories : pertes électriques (par transmission dans le transformateur et dans les câbles électriques), pertes d’indisponibilité pour causes externes et pour causes internes aux éoliennes.
Les pertes d’indisponibilité pour causes externes sont par exemple :
- l’arrêt des turbines pour effectuer les opérations de maintenance et les inspections planifiées. La maintenance planifiée est habituellement exclue de la définition de disponibilité technique garantie par le constructeur
- l’arrêt de la sous-station pour effectuer les opérations de maintenance et les inspections planifiées ;
- l’indisponibilité du réseau électrique interne et externe au parc éolien (câbles,>système de contrôle,…) pour des causes non planifiées
- l’indisponibilité du réseau de télécommunication ;
- l’impact de foudre. La valeur utilisée ici est une représentation statistique. En effet, un impact de foudre sur une éolienne est en réalité peu fréquent, mais cause des dégâts longs à réparer ;
- les pertes dites « hystérésis », c'est-à-dire les pertes occasionnées lorsque l’éolienne ne produit pas car le vent a dépassé la valeur maximale de fonctionnement et n’est pas encore repassé en dessous de la valeur de redémarrage de l’éolienne.
- l’arrêt des turbines pour cause de formation de glace. Dans certaines régions, une température très basse liée à une humidité élevée de l’air peut engendrer du givre sur les pales entraînant une diminution du rendement et un risque de projections de glace jusqu’à 200 mètres de distance pour une éolienne en fonctionnement. Dans un cas comme dans l’autre, il convient donc de déterminer une zone de risque et d'installer des systèmes d’arrêt automatique des éoliennes en période de formation de glace
La rentabilité d’un parc éolien est évaluée sur une durée moyenne de 20 ans. Le climat de vent n’étant pas le même d’une année sur l’autre et d’une décennie à une autre, il est nécessaire d’estimer au mieux les incertitudes à prendre en compte dans le calcul de la production du parc éolien.
Ces incertitudes couvrent la précision de la campagne de mesures, la variabilité interannuelle et interdécennale du climat de vent, les incertitudes des codes de calcul et données d’entrée. Cette démarche permet d’obtenir une estimation de la variabilité de la production d’un parc éolien sur 20 ans.
D’autres facteurs entrent en considération pour l’estimation de la production
D’autres facteurs sont également importants pour déterminer au mieux la rentabilité d’un projet : les effets d’ombres portées, les émissions sonores.
L’ombre portée des pales provoque un effet stroboscopique. L’effet stroboscopique se produit dans le voisinage immédiat d’une éolienne, lorsque l’ensemble des conditions suivantes sont simultanément réunies :
- temps ensoleillé ;
- vent assurant la rotation des pales ;
- alignement du soleil, du rotor et du lieu d’habitation ;
- orientation des fenêtres du lieu en question vers l’éolienne.
A titre d’exemple, le cadre de référence d’application en Wallonie prescrit le respect d’un double critère d’effet stroboscopique résultant du passage des pales en rotation dans les rayons du soleil illuminant des pièces d’habitation ou des lieux de travail :
- maximum de 30 heures par an (h/an) ;
- maximum de 30 minutes par jour (min/j).
Ombres portées © Tractebel Engineering
Les émissions sonores sont aussi à prendre en compte. Le bruit émis par les éoliennes est principalement dû au bruit généré par la rotation des pales. Les calculs réalisés pour dresser les cartes de bruit sont effectués en tenant compte des phénomènes physiques suivants :
- la divergence géométrique (c.-à-d. la dispersion des ondes acoustiques dans l’espace) ;
- l’absorption atmosphérique ;
- l’absorption du sol ;
- l’influence du relief.
Courbes sonores © Tractebel Engineering
En Belgique, des distances minima réglementaires doivent être respectées vis-à-vis des habitations afin de prémunir d’un éventuel dépassement.
Les niveaux sonores maximum admissibles perçus par un observateur et dus à une source particulière sont aussi fixés par la législation. Typiquement, en Région wallonne, dans les zones d’habitat et d’habitat à caractère rural, ces conditions doivent être respectées en tout point (de la zone d’habitat) et le seuil de nuit est fixé à 40 dB(A).
La norme qui impose de respecter 40 dB(A) au droit des zones d’habitat est difficilement applicable aux éoliennes, car elle est définie pour des vitesses de vent faibles (maximum 5 m/s), tandis que l’émission de bruit des éoliennes varie avec la vitesse du vent.
Le cadre de référence d’application en Wallonie recommande donc d’évaluer le bruit généré par les projets éoliens sur base des caractéristiques spécifiques des éoliennes étudiées. Les zones de gêne doivent alors être déterminées en tenant compte des règles d’émission et de la variation de l’émission sonore des éoliennes et du bruit ambiant avec la vitesse de vent.
Le cadre de référence propose de se baser sur la pratique hollandaise qui consiste à évaluer la valeur maximale du bruit spécifique des éoliennes en fonction de la vitesse du vent. La législation hollandaise spécifie une courbe de bruit spécifique maximal à l’émission en fonction de la vitesse du vent, que toute implantation d’éoliennes doit respecter. Ceci permet de déterminer très rapidement les zones où ces limites sont respectées et où aucune gêne auditive n’est à craindre.
Le calcul du niveau sonore est donc réalisé pour les vitesses de vent de 5, 6, 7 et 8 m/s à 10 mètres de hauteur. La variation de la vitesse de vent à 10 mètres de hauteur entraîne la variation de la vitesse de vent à hauteur de nacelle. Il s’ensuit différent niveau d’émission de bruit suivant la courbe d’émissions sonores garantie par le constructeur. On évalue alors la propagation du bruit et les niveaux sonores aux niveaux des maisons et des zones habitées avant de les comparer aux niveaux maximum fixés par le Cadre de référence.
En général, l’augmentation du bruit ambiant avec la vitesse de vent est plus rapide que l’augmentation du bruit de l’éolienne. Par ailleurs, dans des terrains standards et pour les modèles actuels d’éoliennes, lorsque le vent souffle à 8 m/s à 10 m de hauteur, le bruit émis à hauteur de nacelle a souvent atteint son niveau maximal. Le bruit de l’éolienne est donc couvert par le bruit ambiant pour les vitesses de vent supérieures à 8 m/s. C’est pourquoi, aucun calcul n’est réalisé pour ces vitesses.
Vitesse de vent à 10 m de hauteur
[“Omzendbrief EME/2006/01 - Afwegingskader en randvoorwaarden voor de inplanting van windturbines, goedgekeurd
door de Vlaamse Regering op 12 mei 2006.”]
Pour conclure, l’installation d’un parc est le résultat d’une longue réflexion et de nombreuses études d’incidence. Avec à la clé un résultat des plus positifs : chaque éolienne permet d’alimenter en moyenne en électricité 6.500 ménages et d’économiser par an 9.500 tonnes de gaz à effet de serre.
Phototèque interne © Tractebel Engineering